Ils se sont dit oui ! (2/3)

Partager

Ici la suite de votre feuilleton : “La Gourde coud une robe de mariée”. Cet épisode risque d’être un peu technique, voire carément rébarbatif si vous n’êtes pas couturophile avertie, mais tous les détails livrés ici vous serviront peut être si vous vous lancez dans l’aventure de la confection de votre robe !

Résumé de l’épisode 1, dispo ici :  je me suis lancée dans la confection de la robe de mariée de Napo, ma chère amie de toujours. Enceinte et alitée, je prépare tout pour pouvoir me mettre à coudre dès l’arrivée de Bébé Gourde. Tissus & patron, tout est prêt.

J-90, c’est parti pour la toile !

Nous sommes début avril, Bébé Gourde a trois semaines. Nous entrons dans le vif du sujet avec la prise de mensuration de mon amie, en appel vidéo. Je la revois encore en train de se démener avec son mètre ruban, répondant à mes requêtes avec la grâce d’une contorsioniste. Essayez de mesurer seule la distance entre votre nuque et votre taille. Vous m’en direz des nouvelles. Je note ses mensurations et la supplie de ne pas perdre ni gagner un gramme d’ici le mariage !

Habitant à Rennes et moi à Rodez, les 800 km qui nous séparent ne jouent pas en notre faveur. Un week end festif et couturesque est prévu deux semaines plus tard, le temps qu’il me faudra pour coudre la toile de sa robe. Pourquoi une toile, me direz vous ? La disponibilité et le prix des tissus ne laissent que peu de place à l’erreur. Et avec un bustier, il y a de fortes chances qu’il faille l’ajuster. Pas question qu’il ne soit pas PARFAIT !

Je me plonge dans la lecture infecte de la gamme de montage du patron, traduit dans un français approximatif et parfois incompréhensible. Je me rabats donc sur la version anglaise.  Bonne nouvelle, ce patron (n° 5731 de Butterick) comprend plusieurs fois les mêmes pièces, avec des tailles de bonnets différentes, A, B ou C. Je me lance en B, bonnet qui conviendrait selon les mensurations de mon amie, mais sans trop de conviction. Pour moi, elle fait plutôt du C. La toile le dira !

J’annote autant que possible chaque étape, selon mes lacunes en vocabulaire de couture en Anglais, et les adaptations que je fais du patron pour coller à ce que nous avons prévu. Le patron compte plus de 70 étapes. Il faudra être patiente.

C’est le corsage qui demande le plus d’attention, un bustier baleiné, triplé, composé de… 27 pièces ! Je coupe et couds le bustier dans les vrais tissus. Ainsi je serai sure de mon coup, les tissus bougeront de la même manière pour la vraie robe. Le bustier, est gourmand en temps mais assez peu en tissu : 40 cm dans les trois (crêpe mirage + viscose fine en triplure, viscose épaisse en doublure).

La fermeture dans le dos est double : une fermeture avec zip, recouverte d’une deuxième fermeture, avec de jolis boutons recouverts. Ici, j’ai utilisé la braguette d’un vieux jean en phase terminale. Rassurez vous, j’ai prévu un vrai zip à bustier pour le jour J !

Oui, il n’y a qu’une seule manche…

Le corsage prend forme… Il est entièrement recouvert de dentelle (une dentelle so cheap, juste pour la toile). Pour la toile toujours, j’ai cousu les pinces poitrine à la machine, et peu soigné les finitions. Je réserve mes yeux pour la robe du jour J !

Il est temps de passer à la jupe. Elle se compose d’une jupe 1/3 de cercle en crêpe, surmontée d’une jupe 3/4 de cercle en georgette. J’utilise de la viscose pour la jupe de dessous et de vieux rideaux IKEA en tulle pour la surjupe.

C’est là que ça déraille niveau look, on dirait un peu un déguisement ! Qu’à cela ne tienne, après son essayage, la toile sera utilisée pour déguiser notre amie à son enterrement de vie de jeune fille. Ah qu’elle avait fière allure à la course d’orientation sous la pluie ariegeoise.

L’essayage justement : parlons-en !

Comme préssenti, le bustier est un peu juste, je le modifie donc pour donner plus d’ampleur. Il est aussi un peu trop décolleté, je le remonte d’un bon centimètre. Ayant la mariée sous la main, j’en profite : je couds un nouveau bustier doublure, puis un autre pour avoir un ajustement parfait. On y est ! Il aurait bien fallu un bonnet C dès le départ, mais qu’importe, le tout est qu’il plaque bien. Elle est à l’aise au niveau de la taille, et tout tombe bien.

Nous décidons de retirer les manches et d’opter pour de petits mancherons. Je note la longueur de jupe aproximative pour l’ourlet. Nous faisons des essais de dentelle :

J-50, la vraie robe !

Prochain rendez-vous trois semaines plus tard, j’ai pour objectif de lui faire essayer le bustier fini. J’attaque la couture de LA vraie robe. C’est rare de coudre deux fois la même chose à si peu de temps d’intervalle. Pour autant, l’objectif est bien différent cette fois : pas le droit à l’erreur ! Je nettoie le plan de travail méthodiquement tous les jours et prends soin de ranger les pièces coupées ou cousues dans un sac plastique et dans des poches à congélation. Vomito le chat ne me la fera pas deux fois (cf aventure gastrico-féline de l’épisode 1). Je me lave les mains très souvent et prends soin de poser ma tasse de thé le plus loin possible de l’action.

Je soigne les finitions au maximum, et me procure des zips ivoire chez Stragier et Rascol (zip à bustier, un zip court, fin et séparable, et zip invisible pour la jupe), de la lichette (boutonnières élastiques).

Dentelle et galons

C’est la couture du tulle brodé qui demande le plus de temps, car les pinces se cousent à la main. Ca se voit peu (et c’est le but, mais je vous mets quelques photos pour vous expliquer ma démarche)

Je bâtis les lignes de pinces avec du fil contrastant. Je coupe une fente au milieu de la pince, puis je superpose le bâti d’un côté sur l’autre. S’en suit une séance de couture à la main pour assembler le plus discrètement possible les deux côtés puis recouper tout ce qui dépasse d’un côté ou de l’autre de cette ligne de couture.

Le premier essayage du bustier, en plein enterrement de vie de jeune fille, permet d’ajuster les coutures d’épaule et de voir où positionner le feston de dentelle sur le col devant. Quand on achète de la dentelle, les bords (la lisière) est souvent décorative. Ici, j’ai coupé mes morceaux au milieu de la dentelle, puis plaqué la bordure festonnée là où je la voulais. Ici, le décolleté devant : le feston est épinglé à la robe. J’ai assemblé les deux à la main puis découpé tout ce qui dépassait très soigneusement. C’est l’étape la plus longue de toute la confection de cette robe, mais ça en vallait bien la peine !

Pour l’essayage de la semaine suivante, je redessine l’emmanchure et crée de nouvelles pinces poitrine sur la dentelle. J’ajuste le feston de dentelle sur l’encolure dos. Je bâtis tout avec du fil contrastant directement sur Napo. C’est beau le sur-mesure !

Les manches

Avant notre prochain rendez-vous, huit jours plus tard, je patronne un mancheron dans la dentelle, qui sera validé.

Il ne reste que deux essayages prévus avant le jour J. Belle boulette en découpant tout le feston de dentelle qu’il me reste alors que je devais encore couper une manche, avec ce feston. J’ai donc racheté de la dentelle, me suis trompée sur la couleur (blanc au lieu d’ivoire, erreur!), et ai du re-racheter un morceau ! Gourde, vous avez dit Gourde ?

J’assemble les deux manches par un bâti, puis, après essayage, une couture rabattue.

Les jupes

J’attaque les jupes, plus de 4,20 mètres de tissu s’allongent dans notre salon, sur un papier à patronner en guise de protection. Je ne crois pas avoir déjà coupé d’aussi grands morceaux de tissu. Les cercles font plus d’un mètre de rayon !

Surfilage de la jupe inférieure à la surjeteuse. Coutures anglaises pour la georgette  de la jupe supérieure. J’ai utilisé des aiguilles micro tex Bohin pour ne pas abimer le tissu. Je m’étais aussi procuré des aiguilles acier extra fines chez Rascol, mais j’ai eu la mauvaise surprise de tomber sur de nombreux bouts sectionnés ou défectueux, ce qui fait que j’ai du vraiement me méfier en les utilisant.

Finitions

Les deux jupes assemblées au buste, je “ferme” la robe en rabattant la doublure du buste sur la couture à la taille, à la main. Je recouvre les boutons avec ma super machine achetée en Inde, et les couds à la robe.

La lichette attend ses boutons !

Malgré toutes mes précautions de nettoyage et de lavage de mains, c’est du côté de mon fer à repasser que se fera la boulette. Un “pffffchrout” de vapeur calcaire maronasse s’en est enfui quand je repassais la jupe. Plus de peur que de mal au final, car une fois sec, cela ne se voyait pas. J’en ai quand même profité pour investir dans un très bon fer à repasser, qui n’est pas prêt de me lâcher !

Deuxième moment de désespoir, quand je me rends compte que les deux tissus de la jupe sont électrostatiques. L’un colle à l’autre, c’est terriblement vilain ! J’en appelle aux connaissances de Google, et apprends que cela peut dépendre de l’humidité. Je prie pour que le taux de l’air du Pays Basque joue en ma faveur. J’achète aussi une bombe d’antistatique au cas où.

Lors de l’avant-dernier essayage, je marque l’ourlet. Je me rends compte que j’ai oublié le feston à la taille, heureusement, je n’ai pas eu à tout découdre, j’ai pu le coudre à la main ni vu ni connu.

Reste l’étape délicate de l’ourlet, où Maman Gourde joue les mariées pour me permettre de marquer l’ourlet, et le vérifier avant de coudre. C’est bien plus simple de faire ça avec l’aide d’un mannequin (le mien étant trop petit et trop étroit pour la robe), et nous avançons vite.

Je veux faire un ourlet roulotté au crêpe mirage, mais finis par faire un simple surjet bien serré. Pour la georgette, ça prendre plus de temps, car j’ai perdu mon pied à ourlet roulotté ! Merci à celles qui ont entendu mon appel à l’aide et qui ont proposé de prêter le leur ! Je finirai par en trouver un à la boutique Singer de Rodez, et me lance dans l’ourlet de la surjupe, une couture qui durera 50 min ! 50 min sans s’arrêter, c’était la piqure la plus longue de ma vie ! (oui, j’ai sorti les lunettes pour l’occasion, je n’y voyais plus très clair!)

J’épluche la robe, renforce certains points. Je brode les prénoms des mariés, la date du jour J et deux mots qui leur tiennent à coeur, que je ne dévoilerai pas ici.

J-3, dernier essayage

La robe a voyagé de Rodez à Bayonne, confortablement installée dans la housse de ma robe, allongée sur la plage arrière d’une voiture sans enfants, ni doudou baveux, ni régurgitations.

Ultime essayage : l’ourlet est parfait ! Ouf ! L’air humide des Landes et du Pays Basque joue en notre faveur. Les deux tissus s’entendent bien à présent, et l’un vole sur l’autre sans heurs.

Moment d’émotion au moment de ce dernier essayage, quand, pour vérifier que l’ourlet était bien régulier, j’ai demandé à Napo de tourner lentement sur elle même. Elle le fit, dans un enchainement de pas de claquettes aériens, si bien que je ne regardai pas si l’ourlet était bien régulier, ni s’il était bien parallèle au sol. Elle était tellement jolie dans sa robe !

Il ne reste plus qu’à repasser la robe et tout sera prêt.

Mais pour voir la robe… il faudra attendre le prochain épisode ! Hihihi !

Me contacter